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vendredi 11 novembre 2022

Marcel Sicard (1898-1918) Souvenons-nous

 Souvenons-nous de tous ces Marcel Sicard qui sont partis au combat sans jamais vraiment imaginer qu’ils n’en reviendraient pas. Comme l’a écrit Henri  Barbusse, « Ce ne sont pas des soldats: ce sont des hommes. Ce ne sont pas des aventuriers, des guerriers, faits pour la boucherie humaine[...] Ce sont des laboureurs et des ouvriers qu'on reconnaît dans leurs uniformes. Ce sont des civils déracinés »[1]


Marcel Sicard est né le 21 novembre 1898 à Robiac Rochessadoule,  dans le Gard. Il est le fils de Jules Jean SICARD et de Léa SILHOL.

Pendant la guerre de 14-18, il est intégré au 116ème bataillon des Chasseurs alpins. Classe 1918, matricule 1164 (recrutement Pont Saint Esprit).



Le 15 août 1918, il écrit ceci à ses parents. Apparemment, il sort de convalescence, de maladie ou de blessure. (Transcription littérale)

« Bien cher parents,

  Deux mots pour vous donnez de mes nouvelles qui sont assez bonnes pour le moment. Désire de tout cœur que ma présente vous en trouve tous de même. Suis toujours a faire le charpentier. On monte des baraques Adrien. C'est le filon ou on en fait pas trop et pas pénible. Je pense venir bientôt en perme mais je ne sais pas le jour. J'ai passé le conseil de réforme et on ma mis apte a faire campagne alors vous voyez que j'ai changé. Il semble qu'on ma couflé avec un soufflêt, je suis bien le double que quand j'étais en en convales, mais seulement je me suis soigné ; comme lait œufs et fortifiant, j'ai pris quelque chose ! Car le major m'avait dit que si je me soigné pas, je serais bientôt poitrinaire et alors, pensé si je voulais arrivé à être dans cet état ! Mais maintenant ça va très bien, je peux aller voir fritz, je pense que je pourrais le repousser.

Je pense que Gaston doit être toujours parmi vous. J'aimerais de pouvoir venir passé quelques jours avec lui, ce qui pourrait arrivé.

Et le poulain, que fait-il ? Il doit sauter salement avec les chaleurs, il ne doit pas rester trop tranquille. Je vais vous quittez.

            Recevez cher parents frères et sœurs les meilleurs baisers et caresses.                      

Votre fils et frère, Marcel.

Bien le bonjour aux cousins et cousines. »

Il n’aura pas l’occasion de revoir le poulain ni sa famille ; malgré son assurance de repousser fritz, un peu plus d’un mois plus tard, il tombera sous le feu ennemi, dans l’Aisne. 

                                            


Voici dans quelles circonstances il perdit la vie, ce 18 septembre 1918. Le journal de marche du 116ème bataillon de chasseurs alpins [1] raconte cette terrible journée.

… Le bataillon quitte ses emplacements à 23 h et traverse en petites colonnes très espacées la région dévastée de Roupy Sary, franchissant sans dommages des zones battues par l’artillerie, qu’on ne peut éviter. (17/09)

18/09

À 2 h, tout le monde est en place dans la parallèle de départ. L’ennemi est à quelques centaines de mètres, le chemin dans le talus duquel se terrent les chasseurs est pris d’enfilade par des mitrailleurs, il pleut.  À l’heure H, 5 h 25, gradés et chasseurs mouillés car la pluie continue de tomber, s’élancent hors du chemin creux. Il fait nuit noire, on se dirige à la boussole derrière le barrage roulant vers les mitrailleuses qui claquent avec intensité.

En 1ère vague la 2ème Cie (capitaine Duhamel) et 3ème Cie, la 1ère Cie, et un peloton de mitrailleuses avec le lieutenant Julien. De nombreuses fusées vertes et rouges jaillissent et le barrage boche se déclenche n’arrêtant nullement l’élan des vagues d’assaut. Les premiers prisonniers faits sont des mitrailleurs restés à leur place jusqu’à la dernière minute. Un épais brouillard augmente encore l’obscurité, les liaisons et l’orientation sont très difficiles. Après une forte résistance à la voie ferrée forcée par le tir en marchant, des mitrailleuses et des fusils mitrailleurs et où de nouveaux prisonniers furent faits, l’objectif intermédiaire est atteint. Pendant cette progression, un boche, après avoir fait « Kamarade », blesse le sous-lieutenant Monteux à la figure.

À 6 h 30, l’avance continue, le bois Margerin est contourné par le sud-est, les fractions de gauche et la compagnie de soutien le traversent. La progression est difficile, le bois étant un chaos inextricable de ronces, fils de fer, arbres abattus, branchages. Le caporal Deygas, à la tête de 6 pionniers, fait 15 prisonniers, dont un officier.

À la sortie du bois, 200 m à peine restent à franchir pour s’emparer de la tranchée, objectif final, mais le feu des mitrailleuses est de plus en plus nourri, la progression continue néanmoins et les vagues d’assaut viennent se heurter à un double réseau de fil de fer barbelé intact, qu’on ne connaissait pas. Protégée par nos mitrailleuses et nos VB[2], la première vague essaie de franchir ce réseau, les boches lèvent les bras, mais se ressaisissent peu après, leurs mitrailleuses crépitent à nouveau, fauchant notre première vague. Le capitaine Duhamel et une dizaine de chasseurs sont tués, une cinquantaine sont blessés. Les chefs de section font replier leurs fractions en rampant et sous le feu des mitrailleuses qui rasent le sol, une ligne de parapets individuels s’établit.

L’ennemi s’acharne sur les blessés. Le brancardier Maurin veut malgré tout leur porter secours, il s’avance en agitant son brassard et est abattu d’une balle après avoir terminé son deuxième pansement.

À la nuit, le bataillon se reforme sur les lisières du Bois Margerin et la préparation est reprise sur la tranchée ennemie. Le sous-lieutenant Vanemhen commandant la 1ère Cie est blessé. 


Ses restes reposent au carré de corps restitués du cimetière protestant de Saint-Chaptes.



Carré des corps restitués, cimetière de Saint-Chaptes

Monument aux morts, Saint-Chaptes


Plaque commémorative, temple protestant de Saint-Chaptes







[1] http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e005277eaaddfa5c/5277eaaf0ca6f

[2] VB Grenade à fusil française (du nom de son inventeur Vivien Bessières)


[1] Henri BARBUSSE (1873-1935), Le Feu, journal d’une escouade (1916).

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