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vendredi 21 janvier 2022

Transmettre les savoirs

Je propose, dans les jours qui viennent, une série d’articles permettant de mettre en lumière quelques thèmes d’Eric Zemmour dans son programme sur l’école. Ces thèmes sont les pierres angulaires de la reconstruction de l’école et ils méritent d’être examinés en profondeur plutôt que d’être écartés du débat par les ayatollahs de la pensée dominante.

Aujourd’hui, les premiers mots de sa présentation : Transmettre les savoirs.

Avant de vouloir réformer l’école, il est important d’en définir le but. C’est seulement à cette condition que l’on pourra par la suite aborder les questions structurelles et pédagogiques. Le débat éducatif est toujours sujet à polémique car il est éminemment politique et repose en gros sur deux conceptions différentes des buts de l’institution. Deux courants s’opposent : l’instructionnisme et le constructivisme. Le premier, absent de l’éducation Nationale, soutient que l’école doit former des citoyens libres et éclairés ; pour cela l’élève doit acquérir des connaissances, habiletés, contenus culturels, que l’on appelle « apprentissages biologiquement secondaires », c’est-à-dire culturels, au sens de non innés. À partir de là, on peut s’interroger sur la manière la plus efficace de faire acquérir ces contenus. Le constructivisme, courant officiel depuis les années Jospin, lui, considère que l’école doit former la société de demain selon l’idéologie progressiste, et former les élèves à ses valeurs. Les écoles doivent alors être des modèles réduits de cette société. Dès lors, il n’est plus question de culture, de connaissances imposées, l’école fournit les valeurs et l’enseignant, tel un jardinier, accompagne la croissance. Il n’est pas question ici d’acquérir des savoirs, ou tellement peu.

D’où les divergences quand il s’agit d’évoquer les méthodes pédagogiques. L’instructionnisme veut une transmission directe alors que le constructivisme croit que les quelques savoirs que l’enfant doit acquérir doivent se faire le plus naturellement possible ; ils se construiront avec les pairs, en tâtonnant, l’enseignant n’étant qu’un accompagnateur.

Le constructivisme a donné les résultats que l’on connaît en France ; il s’auto-entretient par un certain nombre de mythes[1] qui ont été décrits abondamment par les spécialistes des sciences cognitives. Mais surtout, il repose sur une erreur sur le plan cognitif que je résume rapidement : il existe deux types d’apprentissages, les apprentissages « biologiquement primaires » tels qu’apprendre à marcher, à parler, à reconnaître les visages, et les « apprentissages biologiquement secondaires », toutes les connaissances culturelles. Les apprentissages primaires se font de manière naturelle sans que quiconque nous l’enseigne explicitement. Les apprentissages secondaires eux ne peuvent pas se faire ainsi, ils doivent être enseignés spécifiquement. C’est ce qu’en ont conclu les cognitivistes, en mesurant la charge cognitive.

Les pratiques pédagogiques constructivistes sont une aberration sur le plan cognitif ; de plus, étant la pratique officielle des écoles françaises depuis plusieurs décennies, on peut malheureusement en constater les effets aujourd’hui. Et ce n’est pas en injectant encore plus de pratiques inefficaces que la situation s’améliorera. Pourtant, c’est bien ce qui se dit et se fait encore et encore.

C’est pourquoi, qu’un candidat à l’élection présidentielle adopte l’idée d’une école transmettant des savoirs, me semble une bonne chose.

La fin étant définie, voyons les moyens. Eric Zemmour n’en parle pas ou alors en filigrane. Il évoque à maintes reprises l’école qu’il a connue, et que j’ai connue aussi, avant que les choses ne se gâtent. C’était une école de la transmission avec un haut niveau d’exigence pour tous ; elle était efficace. Mais  il ne faudrait pas, dans un élan nostalgique,  vouloir la reproduire à l’identique. Je n’ai rien contre la nostalgie. Mais la recherche en pédagogie a bien avancé depuis les années 60 en particulier au Canada, et aux Etats-Unis, les sciences cognitives se sont imposées et les résultats de ces recherches d’envergure peuvent définir avec grande précision, les méthodes qui fonctionnent et celles qui ne le font pas. Personnellement, mon expérience de terrain avec l’Enseignement Explicite[2] pendant des années vient confirmer cela. Avec ces méthodes cohérentes sur le plan cognitif et éprouvées par la pratique, l’école pourrait être encore plus performante que celle des années 60.

 



[2] Une méthode pédagogique efficace parmi d’autres. Voir Form@PEx, le site référence de l’Enseignement Explicite. 

 

La course au mouton sauvage

 La Course au mouton sauvage, Haruki Murakami, 1990

    On ne peut pas résumer les histoires de Murakami. Au mieux, on peut se contenter d’évoquer la magie des univers dans lesquels il nous transporte, parfois malgré nous. En effet, le bizarre, l’onirique s’emparent de nous à notre insu et nous le suivons dans ces mondes parallèles sans même nous rendre compte de l’incongruité de la chose. Un mouton aux pouvoirs surnaturels, des personnages flous et inquiétants, une fille aux oreilles envoûtantes, toutes choses qui dans d’autres circonstances nous paraîtraient saugrenues et indignes d’intérêt, là deviennent évidentes. Murakami nous prend par la main et nous introduit dans ses mondes, tout doucement, sans nous brusquer, pour nous y faire découvrir ce que nos esprits ordinaires ne parviendraient pas à voir tout seuls. Des bibliothèques, de la musique, des expériences solitaires, une quête, le froid de l’hiver, un chat, la mort, une ligne téléphonique directe avec Dieu, voilà pour la signature.  Et surtout, comme souvent, la fin du récit qui ne met pas un point final ; mais sans doute est-ce un moyen pour que l’expérience continue de résonner en nous un peu plus longtemps. Pour ma part, c’est réussi…