Je propose, dans les jours qui viennent, une série d’articles permettant de mettre en lumière quelques thèmes d’Eric Zemmour dans son programme sur l’école. Ces thèmes sont les pierres angulaires de la reconstruction de l’école et ils méritent d’être examinés en profondeur plutôt que d’être écartés du débat par les ayatollahs de la pensée dominante.
Aujourd’hui, les premiers mots de sa présentation : Transmettre
les savoirs.
Avant de vouloir réformer l’école, il est important d’en définir le but. C’est seulement à cette condition que l’on pourra par la suite aborder les questions structurelles et pédagogiques. Le débat éducatif est toujours sujet à polémique car il est éminemment politique et repose en gros sur deux conceptions différentes des buts de l’institution. Deux courants s’opposent : l’instructionnisme et le constructivisme. Le premier, absent de l’éducation Nationale, soutient que l’école doit former des citoyens libres et éclairés ; pour cela l’élève doit acquérir des connaissances, habiletés, contenus culturels, que l’on appelle « apprentissages biologiquement secondaires », c’est-à-dire culturels, au sens de non innés. À partir de là, on peut s’interroger sur la manière la plus efficace de faire acquérir ces contenus. Le constructivisme, courant officiel depuis les années Jospin, lui, considère que l’école doit former la société de demain selon l’idéologie progressiste, et former les élèves à ses valeurs. Les écoles doivent alors être des modèles réduits de cette société. Dès lors, il n’est plus question de culture, de connaissances imposées, l’école fournit les valeurs et l’enseignant, tel un jardinier, accompagne la croissance. Il n’est pas question ici d’acquérir des savoirs, ou tellement peu.
D’où les divergences quand il s’agit d’évoquer les méthodes
pédagogiques. L’instructionnisme veut une transmission directe alors que le
constructivisme croit que les quelques savoirs que l’enfant doit acquérir
doivent se faire le plus naturellement possible ; ils se construiront avec
les pairs, en tâtonnant, l’enseignant n’étant qu’un accompagnateur.
Le constructivisme a donné les résultats que l’on connaît en France ;
il s’auto-entretient par un certain nombre de mythes[1]
qui ont été décrits abondamment par les spécialistes des sciences cognitives. Mais
surtout, il repose sur une erreur sur le plan cognitif que je résume rapidement :
il existe deux types d’apprentissages, les apprentissages « biologiquement
primaires » tels qu’apprendre à marcher, à parler, à reconnaître les
visages, et les « apprentissages biologiquement secondaires », toutes
les connaissances culturelles. Les apprentissages primaires se font de manière
naturelle sans que quiconque nous l’enseigne explicitement. Les apprentissages
secondaires eux ne peuvent pas se faire ainsi, ils doivent être enseignés spécifiquement.
C’est ce qu’en ont conclu les cognitivistes, en mesurant la charge cognitive.
Les pratiques pédagogiques constructivistes sont une
aberration sur le plan cognitif ; de plus, étant la pratique officielle
des écoles françaises depuis plusieurs décennies, on peut malheureusement en
constater les effets aujourd’hui. Et ce n’est pas en injectant encore plus de pratiques
inefficaces que la situation s’améliorera. Pourtant, c’est bien ce qui se dit
et se fait encore et encore.
C’est pourquoi, qu’un candidat à l’élection présidentielle adopte
l’idée d’une école transmettant
des savoirs, me semble une bonne chose.
La fin étant définie, voyons les moyens. Eric Zemmour n’en
parle pas ou alors en filigrane. Il évoque à maintes reprises l’école qu’il a
connue, et que j’ai connue aussi, avant que les choses ne se gâtent. C’était
une école de la transmission avec un haut niveau d’exigence pour tous ;
elle était efficace. Mais il ne faudrait
pas, dans un élan nostalgique, vouloir
la reproduire à l’identique. Je n’ai rien contre la nostalgie. Mais la
recherche en pédagogie a bien avancé depuis les années 60 en particulier au
Canada, et aux Etats-Unis, les sciences cognitives se sont imposées et les résultats
de ces recherches d’envergure peuvent définir avec grande précision, les
méthodes qui fonctionnent et celles qui ne le font pas. Personnellement, mon
expérience de terrain avec l’Enseignement Explicite[2]
pendant des années vient confirmer cela. Avec ces méthodes cohérentes sur le
plan cognitif et éprouvées par la pratique, l’école
pourrait être encore plus performante que celle des années 60.
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