Le programme d’Éric Zemmour entend supprimer l'enseignement des langues afin de recentrer les horaires sur les matières comme le français et
les mathématiques. La question des horaires est certes importante ;
néanmoins il ne faudrait pas oublier que si les méthodes pédagogiques sont
inefficaces, doubler les heures de français ou de mathématiques ne changera
rien.
Concernant les langues étrangères, je
suis très favorable à un apprentissage précoce, à condition toutefois qu’il
soit fait correctement, par des méthodes efficaces et par des enseignants
formés à cela.
Or, on ne s’improvise pas professeur
d’anglais ou d’allemand quand on ne maîtrise même pas la langue. Ce qui est une
évidence pour le citoyen lambda, ne l’est pas pour l’Éducation Nationale. Voici
un bref aperçu des errements de l’Éducation Nationale ces dernières décennies.
Cela a commencé avec la loi Jospin en 1989. Il était question d’Enseignement
d’Initiation aux Langues Étrangères, EILE.
L’Éducation Nationale est partie du
principe que les enseignants du Primaire allaient réaliser cet enseignement. Un
peu comme si, du fait que les élèves soient jeunes, un non spécialiste de la
question pouvait faire l’affaire. Puis, on a rétorqué aux esprits chagrins qui
s’en désolaient, qu’on allait leur fournir les outils nécessaires et qu’il
n’était pas indispensable de maîtriser la langue pour l’enseigner. Ce qui est
conforme à l’idéologie constructiviste qui voit l’enseignant, non comme un transmetteur
mais comme un accompagnateur. Les outils sont donc arrivés, sous forme de
cassettes vidéo. Il suffisait donc d’avoir
accès dans son école, à un magnétoscope,
et de savoir l’utiliser (nous étions au début des années 90 et nous
étions loin d’avoir un magnétoscope par classe [*]).
Les élèves suivaient plus ou moins les activités de la cassette. Puis ils
passaient à autre chose en attendant le prochain visionnage la semaine
suivante. L’enseignant regardait avec eux et pouvait même corriger les cahiers pendant
ce temps. Bref, des débuts fort prometteurs.
Si au commencement, l’anglais était
la langue la plus fréquemment choisie, il y en a eu ensuite d’autres, y compris
les langues régionales. Le choix était libre. J’ai vu au sein d’une même école
plusieurs langues, selon les classes, selon les aptitudes et envies des
enseignants. Et je ne parle pas du cas où l’élève changeait d’école. Tout au
long de ces années, aucune évaluation de cet enseignement n’a été effectuée. Par
la suite, les années passant, et il a été décidé que les enseignants les plus
âgés devraient passer, s’ils le voulaient, une habilitation pour l’enseignement
d’une langue étrangère. Sans quoi ils feraient un échange de service avec un
autre enseignant habilité. Pourquoi les plus âgés ? Car dans leur concours
de recrutement, il n’y avait pas eu d’épreuve de langue. Pour les autres, même
s’ils n’avaient pas brillé à cette épreuve de langue, ils étaient considérés
comme aptes…
Cette épreuve d’habilitation consistait en une épreuve orale au cours de laquelle, on devait parler sur un texte donné et tenir une conversation. Quasiment tous ceux qui l’ont passée, l’ont obtenue, quel que soit leur niveau dans ladite langue.
A alors commencé dans les écoles la valse des échanges de
service entre ceux qui pouvaient enseigner, ceux qui voulaient, ceux qui
voulaient mais ne pouvaient pas, ceux qui voulaient mais maîtrisaient une
langue non présente dans l’école etc… En même temps, les éditeurs ont commencé
à publier des méthodes ou plutôt des packs hors de prix comprenant manuels,
livrets de l’élève consommables, CD ou autres supports numériques dont la
qualité pédagogique reste encore à démontrer.
Il y aurait énormément à dire sur
ces outils, que j’ai essayés maintes fois, certes très tape à l’œil, mais très
inefficaces. Comme toujours, les enseignants, n’ayant pas les moyens d’investir,
bricolent, photocopient. Moralité, les élèves n’apprennent guère plus que What’s
your name et How old are you ? Je n’exagère guère.
Personnellement, j’ai fini, une fois de plus, par fabriquer mes
propres outils, ce qui m’a pris énormément de temps et n’a été possible que grâce
à la présence dans ma classe d’un T.B.I. et à un intérêt personnel pour la langue anglaise. J’ai dispensé à mes élèves un
enseignement assez éloigné, par les méthodes, de ce que nous demandaient les
instructions officielles et les manuels à la mode. Sur l’année c’était satisfaisant,
mais considérant le manque d’harmonie pédagogique dans l’école, peu impactant à
un niveau plus large de la scolarité en langue.
Nombre d’enquêtes ont montré qu’en
début de sixième, il n’y avait aucune différence entre les élèves ayant suivi
cet enseignement et ceux qui ne l’avaient pas suivi. Et quand on pouvait
percevoir une légère différence, celle-ci disparaissait complètement au bout
d’un mois. Malgré tout, on continue cet « enseignement », malgré plus
de 30 ans d’inefficacité totale visible par tous.
Le niveau est tellement bas
aujourd’hui que des entreprises qui embauchent des jeunes, par ailleurs
compétents dans leurs domaines, sont obligées de les former à la maîtrise de
l’anglais. N’est-ce pas la preuve que l’enseignement public a failli?
Dans ces conditions, il serait plus
sage de supprimer cet enseignement, en attendant peut-être d’introduire une
approche efficace et professionnelle ce qui nécessiterait des méthodes éprouvées
et un personnel formé. Ce serait folie, que de persister dans cette même voie,
en attendant un résultat différent. [**]
[**] « La
folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent »
citation attribuée à Einstein.
[*] Ce
serait un autre sujet mais il faut rappeler que les moyens des écoles primaires
dépendent des communes, lesquelles sont inégalement motivées et nanties pour les
équiper matériellement. Une grande injustice de traitement en France.
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