Il y a dans le programme d’Éric
Zemmour, un chapitre concernant le retour de l’autorité et de la discipline. Il
évoque le retour de la blouse, je n’y reviendrai pas ; mais
aussi la suppression des allocations familiales pour les familles d’élèves
perturbateurs ou absentéistes. C’est sans doute une piste, insuffisante à elle
seule.
Avant toute chose, voyons ce qui se
cache derrière le terme autorité à l’École.
Déjà, chacun aura remarqué que ce mot,
dans la pensée dominante, a mauvaise presse; il est confondu à tort, avec
autoritarisme. Pourtant ce sont deux choses différentes. Les enseignants
eux-mêmes dans leur grande majorité, se défendent de faire preuve d’autorité.
Or, l’autorité est une condition sous-jacente indispensable pour des
enseignements réussis. Elle se décline sous plusieurs formes.
L’autorité de statut, ou autorité conféré par le droit,
est attribuée par le diplôme d’enseignement. Elle permet d’avoir des exigences,
de les faire respecter en sanctionnant au besoin les transgressions. C’est un
devoir et une responsabilité. Elle pose problème à nombre d’enseignants peu
éclairés, lesquels refusent d’avoir une position hiérarchique par rapport aux
élèves et l’assimilent à de l’autoritarisme. Cette autorité s’appuie
uniquement sur la loi, on pourrait la comparer à celle de l’arbitre dans le
milieu sportif. Elle n’est ni dégradante ni humiliante pour l’élève dès lors
que les rôles de chacun sont explicités. Il faudrait, par la formation initiale,
former les enseignants à cela et détruire les mythes qui règnent encore dans la
profession à cet égard.
L’autorité de compétence ou expertise professionnelle, repose
sur la maîtrise des contenus à enseigner et l’aptitude à les transmettre. Elle
est liée à la précédente, et malheureusement depuis fort longtemps, elle est remise en cause, tout au moins à
l’École Primaire, par les parents d’élèves qui se mêlent de pédagogie ou de
contenus. Voilà une piste à suivre pour redonner de l’autorité : revoir la
place des parents d’élèves dans l’école. Mais aussi s’assurer, par une
formation de qualité, que les enseignants sont au niveau de leur mission. Par exemple, quand un enseignant ne maîtrise
pas l’orthographe ou la grammaire, pour citer une situation observée plusieurs
fois, peut-on reprocher au parent d’élève de venir lui en faire grief ?
L’autorité relationnelle ou autorité personnelle est
l’influence que peut avoir une personne par sa présence, ses qualités
relationnelles, son aptitude à convaincre, à rassembler. Elle n’est pas innée
mais s’acquiert par le travail et l’éducation. Elle s’accompagne de respect,
d’empathie, d’écoute, de considération positive qui en font une véritable
autorité éducative. Elle consiste à développer une présence, à mieux
communiquer verbalement et non verbalement, à entrer en relation individuelle
avec les élèves. La limite est parfois ténue entre ce type d’autorité, et le
désir d’utiliser son ascendant pour être aimé ou pour formater les esprits. On
pourrait éduquer à cette forme d’autorité dans une formation initiale
véritablement professionnalisante.
L’autorité intérieure est plus intime ; il s’agit maîtrise
de soi permettant de se contrôler dans des situations de classe compliquées
quand surviennent des sentiments comme la colère, la peur, l’irritabilité, le
besoin de pouvoir, l’envie de plaire, le besoin d’être aimé. L’enseignant, même
débutant, doit rester maître de lui-même, établir le recul nécessaire afin de
ne pas succomber aux réactions spontanées qui ne sont pas forcément réfléchies
et efficaces. Là aussi, la formation peut jouer, tout comme un recrutement
adéquat.
L’autorité sociale ou statut de l’enseignant dans la
société, s’est notoirement dégradée lors des dernières décennies. L’une des
raisons en est le salaire. Le statut d’une profession, de fait, est très lié à
son salaire. Nous savons que les enseignants français sont sous-payés par
rapport aux autres pays européens. On constate aussi que l’État, outre la
question des salaires, n’a pas une grande considération pour son personnel
enseignant. J’en veux pour exemple son attitude durant la crise sanitaire, ou
lorsque des enseignants sont agressés voire pire. Peut-on reprocher à la
société de déconsidérer ses enseignants quand l’État lui-même ne montre pas
l’exemple ? L’autorité sociale découle aussi des autres formes citées plus
haut.
Pour rétablir l’autorité, il faudrait
que l’État premièrement, donne les preuves qu’il considère et soutient son
personnel enseignant, autrement que par des paroles. Qu’il fasse sortir des
écoles tous ceux qui n’ont rien à y faire en matière d’instruction. Que la
formation soit véritablement professionnalisante, y compris aux différentes formes
de l’autorité énumérées ci-dessus. Mais surtout
qu’il redéfinisse clairement les buts et les moyens de l’école et que soit
éradiqué tout ce qui fait actuellement obstacle à cette autorité. Cela nécessiterait
une forte volonté politique, c’est-à-dire le courage d’entreprendre des
réformes susceptibles de susciter la hargne du pédagogiquement correct à
tous les étages de la hiérarchie, et celle d’un très grand nombre de parents
d’élèves, habitués depuis trop longtemps à s’immiscer dans les écoles et à expliquer
aux enseignants comment faire leur métier. Espérons qu’Éric Zemmour aura cette
détermination.
Voir aussi sur la question le très
intéressant ouvrage de J.C. Richoz, Gestion de classes et d'élèves
difficiles, Favre HEP, 2010 Édition revue et augmentée.
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