Pages

jeudi 3 février 2022

L'autorité à l'École

 

Il y a dans le programme d’Éric Zemmour, un chapitre concernant le retour de l’autorité et de la discipline. Il évoque le retour de la blouse, je n’y reviendrai pas ; mais aussi la suppression des allocations familiales pour les familles d’élèves perturbateurs ou absentéistes. C’est sans doute une piste, insuffisante à elle seule.

Avant toute chose, voyons ce qui se cache derrière le terme autorité à l’École.

Déjà, chacun aura remarqué que ce mot, dans la pensée dominante, a mauvaise presse; il est confondu à tort, avec autoritarisme. Pourtant ce sont deux choses différentes. Les enseignants eux-mêmes dans leur grande majorité, se défendent de faire preuve d’autorité. Or, l’autorité est une condition sous-jacente indispensable pour des enseignements réussis. Elle se décline sous plusieurs formes.

L’autorité de statut, ou autorité conféré par le droit, est attribuée par le diplôme d’enseignement. Elle permet d’avoir des exigences, de les faire respecter en sanctionnant au besoin les transgressions. C’est un devoir et une responsabilité. Elle pose problème à nombre d’enseignants peu éclairés, lesquels refusent d’avoir une position hiérarchique par rapport aux élèves et l’assimilent à de l’autoritarisme. Cette autorité s’appuie uniquement sur la loi, on pourrait la comparer à celle de l’arbitre dans le milieu sportif. Elle n’est ni dégradante ni humiliante pour l’élève dès lors que les rôles de chacun sont explicités. Il faudrait, par la formation initiale, former les enseignants à cela et détruire les mythes qui règnent encore dans la profession à cet égard.

L’autorité de compétence ou expertise professionnelle, repose sur la maîtrise des contenus à enseigner et l’aptitude à les transmettre. Elle est liée à la précédente, et malheureusement depuis fort longtemps,  elle est remise en cause, tout au moins à l’École Primaire, par les parents d’élèves qui se mêlent de pédagogie ou de contenus. Voilà une piste à suivre pour redonner de l’autorité : revoir la place des parents d’élèves dans l’école. Mais aussi s’assurer, par une formation de qualité, que les enseignants sont au niveau de leur mission.  Par exemple, quand un enseignant ne maîtrise pas l’orthographe ou la grammaire, pour citer une situation observée plusieurs fois, peut-on reprocher au parent d’élève de venir lui en faire grief ?

L’autorité relationnelle ou autorité personnelle est l’influence que peut avoir une personne par sa présence, ses qualités relationnelles, son aptitude à convaincre, à rassembler. Elle n’est pas innée mais s’acquiert par le travail et l’éducation. Elle s’accompagne de respect, d’empathie, d’écoute, de considération positive qui en font une véritable autorité éducative. Elle consiste à développer une présence, à mieux communiquer verbalement et non verbalement, à entrer en relation individuelle avec les élèves. La limite est parfois ténue entre ce type d’autorité, et le désir d’utiliser son ascendant pour être aimé ou pour formater les esprits. On pourrait éduquer à cette forme d’autorité dans une formation initiale véritablement professionnalisante.

L’autorité intérieure est plus intime ; il s’agit maîtrise de soi permettant de se contrôler dans des situations de classe compliquées quand surviennent des sentiments comme la colère, la peur, l’irritabilité, le besoin de pouvoir, l’envie de plaire, le besoin d’être aimé. L’enseignant, même débutant, doit rester maître de lui-même, établir le recul nécessaire afin de ne pas succomber aux réactions spontanées qui ne sont pas forcément réfléchies et efficaces. Là aussi, la formation peut jouer, tout comme un recrutement adéquat.

L’autorité sociale ou statut de l’enseignant dans la société, s’est notoirement dégradée lors des dernières décennies. L’une des raisons en est le salaire. Le statut d’une profession, de fait, est très lié à son salaire. Nous savons que les enseignants français sont sous-payés par rapport aux autres pays européens. On constate aussi que l’État, outre la question des salaires, n’a pas une grande considération pour son personnel enseignant. J’en veux pour exemple son attitude durant la crise sanitaire, ou lorsque des enseignants sont agressés voire pire. Peut-on reprocher à la société de déconsidérer ses enseignants quand l’État lui-même ne montre pas l’exemple ? L’autorité sociale découle aussi des autres formes citées plus haut.

Pour rétablir l’autorité, il faudrait que l’État premièrement, donne les preuves qu’il considère et soutient son personnel enseignant, autrement que par des paroles. Qu’il fasse sortir des écoles tous ceux qui n’ont rien à y faire en matière d’instruction. Que la formation soit véritablement professionnalisante, y compris aux différentes formes de l’autorité énumérées ci-dessus.  Mais surtout qu’il redéfinisse clairement les buts et les moyens de l’école et que soit éradiqué tout ce qui fait actuellement obstacle à cette autorité. Cela nécessiterait une forte volonté politique, c’est-à-dire le courage d’entreprendre des réformes susceptibles de susciter la hargne du pédagogiquement correct à tous les étages de la hiérarchie, et celle d’un très grand nombre de parents d’élèves, habitués depuis trop longtemps à s’immiscer dans les écoles et à expliquer aux enseignants comment faire leur métier. Espérons qu’Éric Zemmour aura cette détermination.

Voir aussi sur la question le très intéressant ouvrage de J.C. Richoz, Gestion de classes et d'élèves difficiles, Favre HEP, 2010 Édition revue et augmentée.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires sont modérés. Ne seront retenus que ceux qui sont en rapport avec le sujet, clairement énoncés, courtois, et non injurieux.