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mercredi 23 avril 2025

La vie secrète de Salvador Dali, 2012

 

 
 

    Dali a écrit ce texte en 1941, la première édition date de 1952. Il a été adapté par Michel Déon dont la plume rend la lecture très agréable et très fluide.

L’artiste retrace les éléments importants de sa vie, depuis sa petite enfance jusqu’en 1941. Tout au long de ce récit, il se peint dans le même style que celui de ses œuvres marquantes. La vie écrite de Dali est comme ses œuvres : bizarre, excentrique, solaire, provocatrice, dispendieuse, folle. Au fil des pages, Dali peint Dali et le personnage qui apparaît est à mon sens, une œuvre en soi, un tableau à part entière. C’est ainsi qu’il faut le lire.

La mort de son frère, sa famille, les Beaux-Arts à Madrid, Gala, ses débuts d’artiste reconnu, ses bonheurs artistiques, la guerre civile, New York. Tout au long de cette fresque mouvementée, il y a un fil conducteur très fort, c’est Cadaquès avec le bleu de sa mer et de son ciel, les criques rocheuses, les maisons blanches, les cabanes des pêcheurs. Il y revient toujours pour se retrouver, s’apaiser, se soigner.

Le texte est agréable à lire car rythmé et ponctué d’anecdotes dont certaines sont très drôles, comme ce jour où, alors qu’il était à l’école des Beaux-Arts, il ne put s’empêcher d’asséner un magistral coup de pied dans le derrière d’un étudiant violoniste au cours duquel le violon fut cassé ; lorsqu’il fut convoqué pour répondre de ses actes il expliqua que c’était le moyen de montrer que la peinture était supérieure à la musique ! 

À la fin du livre, Dali écrit ceci : « Ce livre s’achève. D’ordinaire, les écrivains rédigent leurs Mémoires après avoir vécu, vers la fin de leur existence. À l’encontre de tout le monde, il m’a semblé plus intelligent d’écrire d’abord mes Mémoires, puis de les vivre. Vivre ! Pour cela, il faut savoir liquider la moitié de sa vie, afin de poursuivre l’autre moitié, enrichi par l’expérience. »

Et l’ultime phrase, peut-être la plus importante de toutes les précédentes, : « Le Ciel ne se trouve ni en haut ni en bas, ni à droite, ni à gauche, le Ciel est exactement au centre de la poitrine de l’homme qui a la Foi. (En note : à cette heure je n’ai pas encore la Foi et je crains de mourir sans Ciel.)



mercredi 9 avril 2025

Une famille noble protestante, au Luc : les BIBAUD

      Jacques Bibaud, né en 1594, est issu d’une famille de La Rochelle ; il est conseiller du roi et directeur de la Compagnie générale des Indes occidentales. C’est une famille connue dans le négoce et les finances. Sa femme, Louise Gassan, est également issue d’une famille de banquiers, elle est la nièce de Pierre Tallemant des Réaux.

 
 
 
 

Dans la communauté protestante du Luc, nous rencontrons : 

  • Jacques, seigneur du Lignon avec sa femme Honorée Brun de Castellane, dame de Caille. Ils font baptiser leurs 7 enfants : Madeleine, Angélique, Marguerite, Marie, Henri, Jacques, Jean.

  • Aymé son autre fils, seigneur de Sosigny, commissaire des gardes de la Marine de France, avec sa femme Marie de Montchard Hammilton. Ils font baptiser 2 enfants : Honorée et Catherine.

  • Nous trouvons aussi la mention de Georges Pelissary, trésorier général de la Marine, parrain d’Angélique Bibaud, sa nièce (fille de Jacques). Sa femme, Madeleine Bibaud, apparaît comme marraine de Madeleine Bibaud, sa nièce (fille de Jacques).

  • Angélique Bibaud, sœur de Jacques et Aymé, est marraine de sa nièce Angélique.

Françoise Appy 9 avril 2025





 

L'abjuration des chenilles

Voici un titre qui en étonnera plus d’un, surtout lorsque l’on sait qu’une abjuration est l’acte officiel de renoncement à une religion. Nous sommes ici au XVIIème siècle, en 1630 exactement, dans le village provençal de Cadenet à une époque où catholiques et protestants cohabitaient, plus ou moins bien selon les endroits et les circonstances.

L’histoire qui va suivre est un récit d’édification de source catholique. C’est un genre littéraire populaire destiné à relater des conversions au catholicisme ou bien à montrer la réelle supériorité de cette religion par des exemples tirés de la vie courante. Ce moyen de catholicisation ou re-catholicisation était fréquemment utilisé lors missions.

Ce récit est écrit par Jean Monnier de Pertuis, né en 1630, doyen des prêtres de l'église paroissiale Saint-Nicolas de Pertuis. Il y avait à Cadenet une communauté protestante, minoritaire numériquement. En 1656, la population catholique est évaluée à 2308 catholiques pour 199 protestants.

Deux habitants de Cadenet, l’un catholique, l’autre protestant s'étaient associés pour élever des vers à soie. Cette association témoigne au passage que des liens pouvaient exister entre les deux communautés.  L’affaire débute bien. Mais un jour, les arbres fruitiers du pays viennent à subir une invasion de chenilles. À la demande des habitants, le curé intervient. Une fois sur place, après avoir invoqué les saints, il asperge d'eau bénite les arbres et le champ ; puis, il demande à Dieu d'envoyer les chenilles en un lieu où elles ne pourront nuire à personne. Le protestant assiste à la scène. De retour, il se moque de la cérémonie et la parodie en mouillant une branche qu'il agite sur les vers à soie. Deux jours après, tous les vers meurent. L'associé catholique se dit ruiné à cause de la religion de son partenaire et porte l'affaire devant le juge Joannis, de Pertuis. Celui-ci, ne voulant pas envenimer les choses, conseille un arrangement à l'amiable, afin d'éviter que l'affaire n'aille devant le Parlement. Inquiet, le huguenot accepte de dédommager le catholique. Mais néanmoins, il ne renonce pas à sa foi réformée. Peu de temps après, il meurt.  L’histoire s’achève ainsi, révélant deux enseignements très clairs. Tout d’abord, l'irrespect des rites de l'Église Catholique est puni, ici par la ruine de l'affaire, ce qui devrait dissuader les catholiques de se lier en affaires avec des protestants. Ensuite, l'entêtement (l'opiniâtreté comme on disait à l'époque) du protestant dans sa foi, se termine par la mort de celui-ci. On peut imaginer lors des missions, la lecture de ce texte aux villageois et l'effet que cela pouvait avoir, à la fois chez les catholiques mais aussi chez certains protestants. 

Ce récit, à l’époque où j’étudiais les abjurations des protestants de Provence, avait, par son titre, immédiatement capté mon attention. La confusion entre les termes abjuration et adjuration, était très fréquente à l’époque. Lors du dépouillement des actes d’abjuration, je l’ai constatée à maintes reprises. Bien sûr, il faut comprendre ici adjuration, ce qui est une invocation à Dieu, dans le cadre d'une demande bien particulière, comme par exemple chasser les démons du corps d'un être humain ou animal. Ici, il s’agissait de mettre fin à l’invasion des insectes nuisibles aux plantations.

Bien des affaires similaires furent portées devant les tribunaux, concernant les moqueries protestantes au sujet des rites papistes. Si cette forme de défense nous fait plutôt sourire aujourd'hui, ce n'était pas le cas à l'époque, où l'Église jugeait ces pratiques comme relevant de l'irrespect, du blasphème et méritant à ce titre une punition.

Françoise Appy 9 avril 2025