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samedi 5 octobre 2024

Paul Pellisson, ancien protestant ou nouveau catholique – Françoise Trotobas Appy 2024

  J’avais ce portrait dans mes tiroirs depuis très longtemps ; c’était à l’origine une synthèse pour une émission radio portant sur des personnages du protestantisme. Pour sortir des traditionnelles figures iconiques, j’avais choisi Paul Pellisson, ce personnage mal aimé de l’historiographie, autant protestante que catholique. Les protestants lui reprochant son abjuration et son implication aux côtés de Louis XIV afin de ramener à l’Église catholique ses anciens coreligionnaires, les catholiques soupçonnant un attachement supposé à son ancienne religion. Pellisson a eu une vie riche et à travers son cheminement il donne à voir une histoire française culturelle, religieuse, spirituelle, politique dans toute sa richesse et ses excès.

Beaucoup d’encre a coulé à son sujet de la part de ses contemporains, comme de celle des historiens. La question de la sincérité de sa conversion a enflammé les plumes, comme rarement ce fut le cas pour un nouveau converti.  E.G. Léonard écrivit qu’il fut : « L'un des meilleurs controversistes de son temps, sans arriver à se convaincre lui-même, car il mourut sans confession ni sacrement et, d'après son curé, dans les sentiments d'un huguenot». Les historiens ne parviendront jamais à lever ce doute raisonnable qui fait maintenant partie de l'identité même du personnage.

Françoise Appy 5 octobre 2024

mardi 24 septembre 2024

Dieu, la science, les preuves - Michel Yves Bolloré, Olivier Bonnassies, 2023

 

Ce livre a été un franc succès de librairie, il a été vendu à plus de 250 000 exemplaires depuis sa parution, il est actuellement disponible en version poche. Il semblerait donc que la campagne de dénigration qui a spontanément accompagné sa parution n’ait pas eu l’efficacité escomptée. Mon attention a été retenue en particulier par l’implication militante de L’ORELA [1], qui a immédiatement titré « un inquiétant succès » pour ensuite dresser une liste exhaustive des raisons pour lesquelles un esprit éclairé ne devrait pas le lire : critique de l’éditeur, de l’intention annoncée de vulgarisation, des compétences des auteurs, de la mise en page, de la communication médiatique. Sur le fond, tout est démoli, que ce soit les citations, les convocations historiques ou scientifiques, les raisonnements ; mais, par-dessus tout, ce qui irrite les détracteurs est la mise à nu du pouvoir de l’idéologie sur la science, qui a accompagné les dernières décennies. Mais il ne faut pas se surprendre d’une telle réaction, sur un sujet qui, en France est extrêmement sensible. De toute évidence, l’ouvrage dérange. Et je crois que c’est une bonne chose.

Pour ma part, je lui trouve trois grandes qualités : son sérieux, son honnêteté intellectuelle, son accessibilité. Qualités très appréciables dans une société qui trop souvent préfère le jugement à l’argumentation.  Je suis particulièrement sensible au dévoilement du pouvoir de l’idéologie matérialiste sur la science, alors que celle-ci a toujours clamé être affranchie de toute influence idéologique, quelle qu’elle soit.  Cela n’est pas sans me rappeler un phénomène similaire dans le domaine éducatif, qui depuis les années 70, a été trusté par l’idéologie socio-constructiviste, laquelle a conduit l’École à l’état de délabrement dans lequel elle se trouve aujourd’hui.   Ne serait-ce que pour cela, cet ouvrage est à lire, mais il y a bien plus. Nous avons dans ce livre une somme très riche d’outils permettant à toute personne curieuse de s’équiper pour une réflexion personnelle. S’il fallait en évoquer la substantifique moelle, je citerais cette phrase de Pasteur maintenant bien connue : « Peu de science m'éloigne de Dieu, beaucoup m'en rapproche. »

La thèse matérialiste qui a dominé dans le monde scientifique s’appuie sur des principes intangibles tels que : l’univers ne peut avoir de début, « du néant rien ne peut sortir » (Parménide), et de la loi de l’univers selon laquelle « rien ne se crée, rien ne se perd » ; l’univers ne peut donc pas avoir de fin telle qu'une mort thermique car cela impliquerait un début ; les lois déterministes sont issues du hasard et donc il est fort peu probable qu’elles soient favorables à la vie. Malgré la prédominance de ce courant dans le monde scientifique, des avancées ont été faites et comme le résume très bien M.Y. Bolloré, finalement, « les savants ont découvert ce qu’ils ne voulaient pas découvrir. » L’histoire de   ces avancées, parfois très romanesque, est passionnante.

Après ce cheminement difficile, voici ce qui fait consensus aujourd'hui dans le monde scientifique: l'expansion accélérée de l'univers;  la mort thermique future de l'univers ; la fin des étoiles et de toute vie dans 1030 années; dans  1030 à 1038 années, la désintégration des protons et la disparition des neutrons; dans 10100 années, la disparition des trous noirs; au-delà de 10100 années , la Dark Era ou mort thermique complète.

     Mais l’ouvrage ne s’arrête pas là. Les auteurs ont voulu présenter un autre angle d’étude afin de compléter leur enquête. Après les preuves liées à la science, viennent les « preuves hors sciences » qui abordent la question de l’existence de Dieu par les écrits bibliques, le faits historiques, le raisonnement, la philosophie, la morale, spiritualité. Cette partie est à mon sens moins forte que la précédente et le titre seul pourrait d’emblée rebuter les athées ou agnostiques qui en seraient arrivés à ce stade de leur lecture. Elle reste néanmoins intéressante.

En conclusion, les croyants n’auront pas besoin de ce livre pour fortifier leur foi mais néanmoins l’apprécieront pour la mise au jour sur le long terme et la démonstration rationnelle que les chrétiens ne souffrent pas "d'infantilisme mental" selon l'expression maintenant consacrée de Michel Onfray. Les athées militants ne le liront pas, ce qui ne les empêchera pas de critiquer. Les agnostiques y trouveront peut-être des réponses ou au moins approfondiront leur réflexion. En tout cas, l’intention annoncée des auteurs a été atteinte ; ils voulaient remettre dans le débat public la question de Dieu. Ils y sont arrivés au vu du succès en librairie mais aussi des critiques et discussions qui ont suivi. O.Bonnassies et M.Y. Bolloré souhaiteraient des débats publics. Espérons qu’ils seront entendus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] . Observatoire des religions et de la laïcité, Université libre de Bruxelles.

lundi 15 juillet 2024

Les abeilles grises - Andréï Kourkov 2023


 

     Voici un roman d’actualité puisqu’il se situe en pleine guerre d’Ukraine, et narre la vie en zone grise, à travers les vies de deux personnages, seuls habitants de leur village détruit, coincés entre l’armée ukrainienne et les séparatistes pro-russes.  Les deux personnages, des « ennemis d’enfance », par la force des choses se rapprochent ; jusqu’au moment où l’un deux, apiculteur, quitte sa maison avec ses chères abeilles pour leur permettre de vivre un printemps sous des cieux plus cléments. Il nous conduit jusqu’en Crimée à la recherche d’un ami Tatar, apiculteur lui aussi.

    C’est un texte très prenant, magnifiquement écrit, avec ce style particulier à Kourkov, un brin décalé, où humour et tragédie font souvent bon ménage.  Un beau récit de solitude profonde et de rencontres magnifiées dans le cadre de la pesanteur de la guerre.

« Derrière lui le grondement des canons proches et lointains. Derrière lui la guerre à laquelle il ne prenait aucune part, mais dont il était devenu simplement l’habitant. Habitant de la guerre. Un sort nullement enviable, mais autrement plus tolérable pour un être humain que pour des abeilles. »

    L’auteur nous fait toucher du doigt la complexité de ce conflit dans lequel il peut être difficile d'identifier de prime abord les protagonistes, de distinguer avec précision qui est qui ; cette ambiance voulue d'incertitude et de méfiance quotidienne contraste avec la rencontre de personnages qui, au-delà de la désolation et de la destruction, ont conservé leur belle humanité.  

    Un texte poétique, léger et profond à la fois, comme le sont souvent les récits d'Andréï Kourkov. 

 Françoise Appy 15 juillet 2024